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L’association LPBS va atteindre ses 30 ans d’existence, officiellement le 9 juillet 2019. Une assemblée générale ordinaire n’est pas réunie pour dresser ce bilan, il viendra par la suite en retraçant les étapes marquantes sous la houlette de son fondateur Robert Mallet (11 ans) puis Jacques Mortier (12 ans) et votre serviteur depuis 2013.

En revanche nous sommes présents pour faire une évaluation : sommes-nous toujours en phase avec les objectifs initiaux ? Quelle politique mener pour l’année prochaine, pour les années à venir ?

 


 

 

 

LPBS est une association un peu atypique parmi les associations dont le thème est l’environnement. Dans ce domaine, certaines dont le travail est remarquable, luttent pour ou contre un projet précis dans un territoire (pour ou contre des éoliennes, pour la préservation d’une espèce végétale ou animale…). Certaines font un travail remarquable. Dès le départ Robert Mallet s’était investi à battre en brèche certains projets locaux incompatibles avec l’environnement : une compétition navale en baie de Somme et des problèmes de carrière avaient favorisé le déclic. Toutefois, avec l’équipe qui l’entourait, il tenait à prendre un peu de recul en favorisant une approche globale de l’environnement en relation avec les activités existantes ou susceptibles de se développer. L’idée de mondialisme scientifique et culturel, qu’il défendait, avait besoin de se développer sur un espace plus restreint, le littoral picard avec la baie de Somme qui fut un terrain adéquat : une biodiversité reconnue à l’échelle internationale existait sur cet espace peu habité et préservé par une population qui avait refusé les grandes opérations immobilières qui se développaient à cette époque sur des littoraux français et européens.

Or, dans le cadre d’une approche globale, ce ne sont pas seulement les éléments qui composent cet espace que l’on doit prendre en compte mais aussi toutes les interactions, c’est-à-dire les impacts, les effets favorables ou défavorables au milieu et aux personnes qui s’y trouvent en permanence ou à un moment donné. Cette approche complexe est mieux perçue de nos jours qu’il y a trente ans mais elle a des limites.
L’éducation, les médias sont là pour nous fournir une multitude d’informations quasi instantanément mais dans un désordre inimaginable. Des informations multiples et variées, pertinentes mais réservées à un cercle d’initiés ou fallacieuses envahissent notre quotidien. Il est de plus en plus difficile de s’y retrouver.
C’est dans cet esprit qu’évolue notre – votre association avec des principes qu’il
n’est pas inutile de rappeler : Ecouter et comprendre.

Le terrain est la base concrète et indispensable pour pouvoir réaliser ce qu’il s’y passe. Vous êtes tous là pour observer, vous interroger puis questionner, interpeller l’association. A nous de comprendre, de replacer dans un contexte local et plus général à partir de l’évolution des connaissances que nous essayons de mettre à jour. A nous de faire le tri dans ce flot d’informations pour restituer nos remarques
de manière compréhensible et rigoureuse Pour ce faire, jusque-là, le bulletin a joué ce rôle (nous en sommes au n°28 en cours d’impression). Le site Internet, entièrement refondu en décembre 2017 apporte des compléments d’informations et permet de mieux se faire connaître. Pour informer toujours plus de personnes ou se focaliser sur un point particulier nous allons reprendre la lettre d’informations qui avait brièvement existé, sous forme de newsletter, en principe courant mai 2019.
Nos connaissances et notre expérience de terrain, nos ont conduits au fils du temps à cibler et à approfondir certains thèmes dans nos bulletins le PNR de Picardie maritime en 2006, le changement climatique en 2011, plus récemment le PPRN Marquenterre Baie de Somme en 2017. Le dernier bulletin (n°27 édité en 2018) traite plus particulièrement de la gestion de l’eau, de la jeunesse face au patrimoine local. Le tissus associatif picards motive aussi ce choix : certaines associations développent davantage l’étude de la faune, la flore, la géologie, les sciences historiques et archéologiques. Il manquait certaines facettes de la connaissance du territoire. Par exemple la notion de patrimoine culturel maritime qui n’apparaissait que de manière historique, anecdotique ou festive il y a encore une dizaine d’années. Il était temps de s’y intéresser. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés de trois autres associations pour créer un Pool littoral picard pour développer des projets tels que les animations durant les journées européennes du patrimoine ou celui sur la toponymie (en partenariat avec le parc naturel marin et l’université). En parallèle nous participons avec l’IFFO-RMé (Institut Français des Formateurs Risques Majeurs et protection de l’environnement) à la connaissance, l’information et la prévention des risques naturels majeurs du littoral qui touchent directement beaucoup de personnes. Pour ce qui concerne les aspects liés à la biodiversité nous travaillons avec le GEMEL (Groupe d’Etude des Milieux Estuariens et Littoraux), association connue et reconnue (nous faisons partie du Conseil d’administration) ; avec Picardie Nature, nous avons de très bonnes relations tout comme le conservatoire de Bailleul. Ces échanges croisés d’informations ont ainsi tissé au fil des années un véritable réseau. Ceci est plus qu’indispensable de nos jours pour pouvoir travailler en interactivité. C’est une manière de fédérer les connaissances, les expertises pour une meilleure approche territoriale.

AGIR pour le littoral.

Devrait-on être des va-t-en-guerre pour agir sur le littoral ? Certains le souhaiteraient pour s’opposer à un consensus dit « mou ». Mais LPBS tient à faire perdurer la méthode initiée par son fondateur Robert Mallet à savoir croiser le maximum d’informations puis aller auprès des instances (services de l’Etat, collectivités…) pour expliquer nos positions et nous y tenir. Dans le cadre de commissions formelles (CODERST, commission des sites, Parc naturel marin, Agence de l’eau,…) ou informelles, plusieurs projets qui semblaient respecter de l’environnement ont été acceptés avec des amendements ou des observations de notre part.

Le principe général est celui de gérer un espace remarquable pour qu’il se maintienne en l’état …ou presque. C’est sans doute louable, très à la mode depuis les années 1990 (après la prise de conscience de la fragilité de l’environnement au niveau national et international exprimée au cours de la conférence de Rio en 1992). Quels sont les choix adaptés – aujourd’hui – à la situation présente ? Les contextes évoluent très vite et l’on ne peut pas tout anticiper. L’évolution climatique, la transition énergétique demandent de prendre rapidement en compte de nouveaux paramètres environnementaux et sociaux.
Un essai remarquable de l’écrivain Elias Canetti prix Nobel de littérature : « Masse und Macht » (Masse et puissance) publié en 1960 et en 1986 en France, mériterait d’être relu, au moins certains passages. Il démontrait magistralement que l’effet de masse peut avoir des conséquences qui dépassent l’homme et son éthique. Si l’on se place dans le cadre de l’environnement et de l’écologie en particulier, une espèce végétale, animale isolée, une pollution limitée, …, la nature s’en accommode. En revanche quand cette situation se multiplie rapidement, l’espèce ou la pollution devient invasive, dangereuse pour le milieu avant que celui-ci ne trouve les parades et un nouvel équilibre. Pensez au frelon asiatique, nous avons actuellement une « leçon de choses » grandeur nature y compris dans la Somme.

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. La pression des phoques en Baie de Somme pose question ainsi que la pression touristique en Picardie maritime comme dans de nombreux territoires en France et dans le monde. Des parades ont été mises en place en particulier au cours des trente dernières années (réserve naturelle, site classé, parc naturel marin, etc.) Mais est-ce suffisant pour le maintien des écosystèmes ? Les paramètres choisis sont-ils les plus pertinents ? La biodiversité évolue, elle est en danger dans bien des cas. Depuis plusieurs années les scientifiques lancent régulièrement des signaux d’alarme.

Notre constat est celui d’un jeu de mikado bien connu : parmi un tas de baguettes enchevêtrées, il faut en récupérer un maximum sans faire tomber les autres… Il s’agit d’une métaphore imparfaite mais n’est-ce pas ainsi que nous pratiquons avec l’environnement en restreignant les espaces réservés à la nature, en prélevant dans le milieu jusqu’à entraîner l’extinction d’espèces ? En installant des bâtiments, des équipements dans des endroits délaissés qui profitaient à la nature ?
Certes de nombreuses veilles réglementaires existent, par exemple par Ifremer, l’Agence de l’eau, la DREAL,…. Il faut reconnaître que des actions parfois efficaces existent pour éviter le pire, mais qu’elles sont souvent insuffisantes sur le long terme.
Cette érosion insidieuse des milieux dits naturels ne risque-t-elle pas de voir s’effondrer brutalement « les baguettes du jeu de mikado » ? Comment trouver un compromis entre les équilibres environnementaux si fragiles, l’économie trop souvent dominante et les aspects sociaux fondamentaux ? Il ne faut pas perdre de vue que la défense des intérêts personnels et collectifs risque d’être dommageable d’autant que les effets de certains choix ne seront visibles que sur le moyen voire le long terme. La prospective, est indispensable, mais quel scénario choisir? Sans oublier qu’il ne se déroulera vraisemblablement pas comme prévu !


Il est indispensable de continuer à s’informer, à réfléchir et à agir ensemble pour que le littoral picard et la Baie de Somme conservent leur identité naturelle, culturelle, sociale tout en favorisant un développement supportable et durable.

Jean-Marc Hoeblich